Inauguré en 2013 à l’occasion de Marseille Capitale Européenne de la Culture, le site du MuCEM regroupe trois structures muséales : le J4 (qu’on appelle communément MuCEM) qui abrite la collection de l’ancien Musée National des Arts et Traditions populaires, le Fort Saint-Jean restauré et le Centre de Conservation et de Ressources du MuCEM.
Le Fort Saint-Jean
Difficile à croire mais ce superbe bâtiment fortifié en plein cœur de Marseille était jusque là fermé au public. Construit à partir du XIIe siècle, il avait vocation à contrôler l’entrée du port. Durant la Seconde Guerre Mondiale, les allemands s’y installèrent et une explosion de munitions détruisit une grande partie du fort. Après avoir été classé monument historique en 1964, cédé au Ministère de la Culture et désigné pour abriter le Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-marines, il est restauré de fond en comble et réhabilité pour devenir une place centrale dans le parcours urbain des marseillais et des touristes.
Dans cette logique, le site est accessible par trois entrées : la passerelle du MuCEM via l’esplanade, la tour du Roi René depuis le vieux port et la passerelle reliant le quartier de La Joliette au fort. Celle a été créée exprès pour décloisonner les espaces et favoriser l’accès. Ainsi, l’entrée au lieu est gratuite même s’il faudra montrer patte blanche (la fouille à l’entrée a recalé mon mini-trépied de 25cm !).
Dans l’enceinte, on trouve plusieurs bâtiments : la chapelle Saint-Jean, le village, la salle du corps de garde (en haut de la montée des canons) qui diffuse un vidéo en polyptyque retraçant l’histoire de Marseille. Le bâtiment Georges-Henri Rivière héberge des expositions temporaires et son entrée est payante. En se baladant, on découvre de multiples perspectives séduisantes sur le fort et les aménagements (chaises longues, “Jardins des migrations” , la place d’armes) en font un lieu très agréable. Les coursives et la tour du Roi René offrent de superbes vues panoramiques sur Marseille (le Pharo, la Basilique Notre-Dame de la Garde alias “la Bonne Mère” , le Vieux-Port, La Major et le MuCEM et la mer évidemment).
Le MuCEM, un bijou d’architecture
Il aura fallu 11 ans après son premier dessin pour que l’architecte Rudy RICCIOTTI voit son bâtiment réalisé. Visible depuis le Pharo, le MuCEM est un signe fort à l’entrée du Vieux-Port de Marseille. Personnellement, je suis tombé sous le charme et selon moi, c’est véritablement un des plus beaux musées du Monde !! Le MuCEM est une perle architecturale, semblant flotter à la surface de l’eau, ou plutôt un corail puisque son dessin est celui une section de roche de corallienne. L’architecture sobre, élégante et le béton mat répond harmonieusement aux pierres du Fort Saint-Jean. Les façades ont pour but de filtrer les rayons du soleil comme le ferait un moucharabié oriental.
“Ce musée (ndlr : le MuCEM) est situé dans un endroit extraordinairement culpabilisant puisqu’il est d’un côté orienté face à la masse historique du fort St-Jean, de l’autre côté face à la masse dynamique portuaire, de l’autre côté face à la perspective patrimoniale de la ville de Marseille (…) et, orienté à l’Ouest, cet horizon métaphysique de la Méditerranée qui envoie des messages assez anxiogènes, ne serait-ce que par les couleurs : bleu cobalt, bleu outre-mer, couleur argent sous l’influence du mistral. Cette présence de la Méditerranée, de cet horizon métaphysique finit par rendre fou et culpabiliser toute architecture. En tout cas, la mettre en situation de difficulté d’être, de difficulté existentielle. Et ce projet parle de cette difficulté là, c’est la raison pour laquelle il est un petit peu physiquement dématérialisé, très féminin, très osseux. Il est constitué de nerfs tendus on pourrait dire, un peu à l’image du corps d’un athlète éthiopien, un coureur de fond mais il est aussi dans une filiation orientaliste lointaine, une mémoire un peu évaporée. Le pourquoi de cette écriture, c’est parce qu’on a besoin de filtre solaire après on a une masse solaire, une castagne solaire épaisse à Marseille. Donc le projet raconte ça, alors évidemment il est fait de minéralité dans un paysage de poussière, dans un paysage de pierres, il est fait de minéralité et de transparence.” – Rudy RICCIOTTI –
Je vous conseille d’y accéder par la passerelle J4 qui part du fort Saint-Jean et qui permet des vues splendides sur le fort, le détail des façades du MuCEM, le Pharo et la Major. On arrive alors sur la terrasse qui est absolument magnifique. Vous pourrez vous allonger sur une des chaises longues à l’ombre et profiter de la vue. Un café-restaurant est installé.
Mais incontestablement, le super méga plus de l’architecture du MuCEM sont les coursives qui parcourent jusqu’en bas le bâtiment du J4. L’expérience est tout à fait sensationnelle !! On se retrouve entre les parois en verre et la coque de béton aux motifs coralliens. Le jeu de lumières est exploité avec brio, par des brillances sur le verre et le métal. Le contre-jour met en exergue le graphisme des lignes, redoublé par les ombres portées. Le dessin envahit littéralement l’espace ! On est dedans et dehors à la fois et le regard s’amuse de cette perméabilité visuelle à travers les micro-fenêtres. Mais les mots sont superflus et approximatifs, je préfère laisser la place aux images… (rab en bas de l’article) Pour en savoir plus sur l’architecture de MuCEM, cliquer ici.
© L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷
Dans le hall du MuCEM qui se trouve au rez-de-chaussée, on regroupe la billetterie, une librairie, un café. Il est assez sombre mais cela est plaisant par opposition au cagnard de dehors ! En sortant, petit tour sur l’esplanade de la Promenade Robert Laffont où on peut voir les minots de La Joliette avoir investi le lieu et se baigner dans la mer. Juste à côté, la Villa Méditerranée est surprenante avec son impressionnant port-à-faux !
L’exposition permanente du MuCEM
Contrairement à l’adage, la beauté n’est pas toujours à l’intérieur… En effet, autant ai-je été émerveillé par l’architecture extérieure du MuCEM à chaque fois que j’y suis allé, autant l’intérieur m’a déçu. Ou plutôt le contenu est décevant. Enfin je parle de la Galerie de la Méditerranée parce que pour les expositions temporaires, ça s’est toujours mal goupillé et je n’ai pu voir que la collection permanente (l’expo Food semblait pourtant très intéressante !).
Infos pratiques :
- horaires : 11h – 19h (18h l’hiver; 20h l’été) fermé le mardi
- prix billet d’entrée : 11€ pour un adulte (pré-vente en ligne)
Dans le projet de ma journée culturelle à Marseille, ma visite de la collection du MuCEM commença juste après mon sandwich. Tout se passait bien et j’y allais avec un œil curieux mais… dès 14h, une horde de séniors tout droit sortis du restaurant a littéralement envahi l’ensemble de des espaces ! Insupportable !! Moi qui aime d’être peinard et d’aller à mon rythme, j’ai subi la foule lente et approximative de visiteurs qui exécutaient sans doute la programmation de leur circuit touristique organisé par un tour-operator. Bref, si vous y allez, je vous conseille d’éviter ce créneau là parce que ça va vous gâcher 1, l’accès aux ”objets” présentés, 2, la sérénité nécessaire pour les apprécier.
Sinon, à part ça, il y a une exposition ! Il s’agit principalement d’objets issus du Musée National des Arts et Traditions populaires de Paris, fermé en 2005, transférés au MuCEM. Les salles, les espaces sont assez chouettes et aérés, ce qui change de la pesanteur de certains vieux musées d’histoire poussiéreux. La muséographie s’est voulu pédagogique mais vire un peu à la démonstration démonstratisante. Une attention tout particulière a été portée au dessein de rendre intelligible l’exposition avec une armada de textes explicatifs (j’ai vu les enfants jouer à un jeu sur tablette et semblaient adorer ça). Elle est consacrée aux spécificités des civilisations méditerranéennes et se compose de 4 thèmes répartis en 4 salles :
Invention des agricultures, Naissance des Dieux
Cette première salle commence par certaines icônes religieuses puis elle traite, principalement, de la sédentarisation des méditerranéens et donc de la création de moyens et outils inventés pour se nourrir (pêche, agriculture, irrigation…) et conserver et transporter les marchandises.
Jérusalem, ville trois fois sainte
Cette cité orientale a la particularité d’être une ville sainte pour le Judaïsme, l’Islam et le Christianisme. La salle expose plusieurs tableaux et objets à caractère religieux. Vous lirez plus bas que la question, selon moi, n’a pas réellement été exploitée et finalement, ce qui a le plus capté mon intérêt est la vidéo frontale sur les lieux saints et son écran en led.
Citoyenneté et Droits de l’Homme
Après deux maquettes, on pénètre dans un espace abordant la question du portrait (sculptures, peintures et vidéo). Derrière, une remarquable et remarquée représentation de Venise ainsi qu’une vidéo très intéressante de Jack COHEN “L’air de la ville rend libre” sur l’affranchissement des cités italiennes au Moyen-Âge. Puis, la suite de la salle aborde le rapport répression/liberté avec un pan du Mur de Berlin graffé, une guillotine… mais pour dire quoi ? Cela a renforcé mon impression globale de fourre-tout muséologique. Je cherche toujours à quel endroit l’intitulé de la salle a été réellement développé…
Au-delà du monde connu
Cette dernière salle aborde la méditerranée en tant que lieu de circulation. L’idée de voyage est donc au centre de l’accrochage avec un cabinet de curiosité, une chimère japonaise (en tant que fantasmagorie exotique), des instruments de mesure et un globe. L’espace se termine par un film d’animation qui captait fortement l’attention des plus jeunes puis trois œuvres contemporaines qui semblaient combler un vide muséographique du MuCEM…
Ok, tout ça, certes. Mais tout ça pour quoi ? Au final, on déambule parmi une juxtaposition d’objets, images, vidéos… ne faisant, à mon sens, qu’illustrer superficiellement le thème mais sans réellement le problématiser, sans vraiment d’articulation les uns avec les autres, sans développer une réelle réflexion de fond. C’est-à-dire que, en fin de compte, j’ai eu l’impression d’avoir vu des choses mais sans qu’elles aient été mises en perspective. Les pistes de réflexion ne sont jamais empruntées et encore moins creusées, au mieux, on les survole. L’exposition passe d’un objet à un autre sans s’attarder dessus et du coup, nous aussi. Un vieux bateau et une vidéo-interview d’un pêcheur pour nous dire quoi ? Qu’on pêche en Méditerranée depuis l’aube des temps ? Merci, on s’en était pas douté ! Mais encore ? C’est tout ce que vous avez à nous dire sur le sujet ? La quête de l’eau n’est abordée qu’avec la présence d’une sakieh alors que c’est un sujet est tellement fertile. Et je ne parle même pas de la collection de pains à la limite du grotesque ! Que nous dit par exemple la partie sur Jérusalem ? Rien de plus que le titre ! Du coup, ça ressemble à un Musée d’Histoire qui ne voudrait pas l’être, sans les bénéfices de la lourdeur d’un contenu trop dense mais malgré tout ambitieux. Ou alors sans les moyens de ses prétentions tant ses objets sont également décevants et sans surprise. Au final, en sortant du MuCEM, je ne suis pas certain d’avoir vraiment appris grand-chose (je crois qu’un livre d’histoire-géo de 6e est vraisemblablement plus instructif…) et ça, quand on sort d’un musée, c’est plutôt inquiétant ! Pourtant, en notre époque crispée, il aurait été, à mon avis, tellement pertinent de saisir la chance de pouvoir problématiser davantage nos héritages autour d’une Méditerranée commune… En résumé, montrer c’est bien, mais en faire quelque chose, c’est mieux !
…avec quelques œuvres contemporaines
Tout au long du parcours dans la collection permanente du MuCEM, on trouve plusieurs œuvres d’artistes contemporains (ce qui est davantage ma tasse de thé que les musées d’histoire je dois l’avouer) : la sculpture en tuyauterie Water Meter Tree (2011) de Sigalit LANDAU est affligeante (et tellement fade par rapport à la puissance de Barbed Hula), Lieu de recueillement et de prière pluriconfessionnel (2000-2013) de Michelangelo PISTOLETTO confronte le fétichisme des religions, et après… ? Adel ABDESSEMED amène, lui, une réflexion en peu plus féconde en proposant un best-of des religions sous forme de livre sacré intitulé Le meilleur des trois religions. À savoir que toutes les pages de ce livre sont totalement… noires ! Effacement ou saturation ? …
Plus loin, une série à l’intérêt très limité (Ni dieu ni maitre (2004) de Philippe CAZAL, LEF Ame (1989) de Victor BURGIN, La liberté ou la mort (1989) de BEN). La photographie Necropolis, Athens, Greece (1991) du délicieux Martin PARR interroge notre rapport vis-à-vis d’un patrimoine devenu objet de consommation touristique mais sa place dans cette exposition m’a semblé posée comme un cheveu sur la bouillabaisse. Sur la fin du parcours, Surtout de table, Ruines d’Égypte (1978) une sculpture en biscuit du couple Anne et Patrick POIRIER représentant des ruines antiques. S’il faut saluer la volonté d’inscrire la thématique dans une certaine contemporanéité (politiquement obligatoire et légitimant le propos du MuCEM), le choix des œuvres, là encore, n’apportent pas grand-chose. Peu de surprise et d’audace. Mais est-ce de leur faute tant aucune problématique n’est vraiment investie ?
En revanche, et ça c’est un point très positif, le MuCEM accueille de nombreux évènements autour des cultures méditerranéennes (conférences, rencontres, débats, spectacles, concerts, projections de films…). La programmation est vraiment riche et très intéressante et en fait une véritable cité culturelle active, carrefour des cultures multiples. Et si vous êtes intéressé par la visite culturelle de Marseille, je vous recommande nos articles sur Marseille : la tournée des musées, la Cité Radieuse et La Major.
Vous aussi vous avez adoré l’architecture du MuCEM et vous en voulez encore ? Déjà que vous étiez déjà en train de lire notre blog mais là ça se confirme : vous avez très bon goût ! 😉 Voici donc encore quelques photographies. Cliquer sur les images pour en profiter un max ! 🙂
En conclusion,la visite du site est très plaisante. Le Fort Saint-Jean est un lieu de promenade très agréable et le MuCEM (J4) est absolument merveilleux. Si vous allez à Marseille, c’est incontestablement incontournable de se rendre sur place pour s’y balader et avoir des vues splendides sur Marseille. Par contre, au-delà d’être une architecture somptueuse, le bâtiment est quand-même un musée, et là, on ne peut pas dire que ça m’ait emballé ! Donc, sauf si le thème vous intéresse vraiment (mais si c’est réellement le cas, vous risquez d’être déçu…), je pense qu’on peut s’en tenir juste à la découverte du bâtiment.
Je l’ai faite également et je l’ai trouvé très intéressante…
Tant mieux si tu as aimé l’exposition, ça nuancera mon propos ! 😉