Boucle royale au cœur des Dolomites

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Pour les randonneurs, les alpinistes, les skieurs, mais aussi les cyclistes, les Dolomites ont quelque chose de magique, d’hypnotique. Les attentes étaient donc grandes avant de s’élancer sur les routes de la région. Au programme, quatre cols en une journée.

 

Cols :
– Passo Fedaia (2057m)
– Passo Giau (2236m)
– Passo di Falzarego (2117m)
– Passo Pordoi (2239m)

Départ : Canazei (Trentin-Haut-Adige)

Difficulté : ★★★★★
pas excessivement long, mais avec 4 cols et un gros D+

Distance : 107 km

Dénivelé + : 3500 m

Intérêt : ♥♥♥♥
magnifique !

Route : ✔︎✔︎✔︎✔︎
nombreux touristes en plein été

Itinéraire : Trace GPS

Avant de partir, êtes-vous bien équipé ? ➜ retrouvez nos conseils pratiques 🚴‍♂️

Un jour, quatre cols

Il est 19h, le soleil s’en est allé derrière les montagnes mais la température est encore clémente en ce chaud mois d’août. Nous sommes partis il y a près de six heures pour une troisième virée vélocipédique en trois jours. Les jambes sont lourdes, les muscles chargés en toxines, les sourires sont larges, les têtes remplies d’images splendides. Nous posons les vélos et attaquons les chips et la bière après avoir avalé quatre cols en une bonne centaine de kilomètres. Après avoir gravi le Mortirolo et le Gavia il y a deux jours, puis l’Umbrail et le Stelvio hier, cette troisième journée a achevé nos dernières forces. En trois jours, nous aurons accumulé environ 350 km et plus de 9000 mètres de dénivelé positif, une bonne raison d’en avoir plein les guibolles et de s’offrir un apéro.

Passo Fedaia, Passo Giau, Passo di Falzarego, Passo Pordoi. Voici les quatre actes de la pièce du jour pour une belle boucle au cœur des Dolomites, dominée notamment par la Marmolada (3342 m) d’un côté et le Sass Pordoi (3152 m) de l’autre.

Acte 1

Passo Fedaia et la reine Marmolada

Nous nous élançons donc vers 13h de Canazei, jolie petite bourgade du Trentin-Haut-Adige, rappelant la Suisse ou l’Autriche (on est tout proche) par ses gros chalets et hôtels aux balcons de bois fleuris. Le village est assailli par les touristes en ce mois de vacances scolaires.

Nous partons vraiment tranquille par le Passo Fedaia. Les jambes sont lourdes, à cause des deux journées de vélo précédentes mais aussi des cinq heures de route (encombrée) faites le matin même pour venir de Bormio. La pente s’élève dès les premiers kilomètres, tout d’abord en faux-plats montants, puis un peu plus sérieusement. Les pourcentages restent néanmoins très sages, autour des 5-6 %, une déclivité qui me sied bien et qui permet de s’échauffer en douceur.

 

Pas d’échauffement pour les mirettes par contre, le paysage est déjà de toute beauté. Canazei n’est qu’un « gros village » dont on sort très vite, pas de zone commerciale ou artisanale ici, la route s’envole tout de suite dans les montagnes. Bertrand, qui m’accompagne sur ce trip italien, et moi papotons en admirant la vue qui s’offre à nous. Après environ sept kilomètres assez roulant, la pente s’accentue un peu tout en restant raisonnable. Le macadam rend bien et nous progressons toujours tout en souplesse. Sur notre droite se dresse la Marmolada, immense bloc grisé et acéré qui attire irrémédiablement le regard.

 

Une fois franchi plusieurs tunnels plus ou moins bien éclairés, nous arrivons au niveau du Lac de Fedaia que la route longe. Le col à proprement parlé est de l’autre côté du lac, cependant l’ascension se termine là puisque les deux derniers kilomètres sont plats. Le lac bleu acier est assorti au ciel où flottent quelques nuages nonchalants, les prairies alpestres drapant les montagnes alentours sont verdoyantes, de l’autre côté du lac se pavane la « Reine des Dolomites », la Marmolada, sa traîne glaciaire glissant sur ses admirables flancs.

La pause s’impose au panneau annonçant le col. Nous admirons la vue, dorés par les rayons du soleil, enfilons tout de même un coupe-vent pour la descente (nous sommes à plus de 2000 mètres), croquons une barre pour éviter la fringale en fin de journée, puis plongeons dans la descente.

 

Et quelle descente ! Une quinzaine de kilomètres de plaisir sur une route parfaitement entretenue, assez large, qui tournoie en vertigineux virages serrés, plonge ensuite en droite ligne avant d’atteindre la forêt. Les pourcentages sont impressionnants (15-16 %) et le compteur s’affole, j’atteins les 80 km/h sans même pédaler. Je touche les freins avant une grande courbe, ne sachant pas ce qu’il se cache derrière. Finalement, pas de lacet caché, la route continue, presque droite, et je me dis qu’il est possible de franchir les 90 km/h ici, voire plus. Mieux vaut avoir bien réglé son vélo. Au bout de cette portion grisante, nous atteindrons le point le plus bas de notre boucle, juste sous les 1000 m d’altitude. Je n’imagine même pas le calvaire qu’aurait été l’ascension du Passo Fedaia par ce versant, en fin de parcours si on avait décidé de faire la boucle dans l’autre sens ! Du très costaud avec de longues lignes droites pentues qui doivent sembler interminables.

En ce qui nous concerne, nous attaquons un autre « gros morceau » des Dolomites, le Passo Giau. Ne pas rater la bifurcation sur la gauche à la sortie du village de Caprile… que nous avons manqué. Nous sommes bons pour un petit aller-retour bonus le long de la rivière Cordevole jusqu’au pittoresque village d’Alleghe où j’ai la bonne idée de vérifier là où nous nous trouvons sur mon téléphone. Demi-tour et retour sur Caprile.

 

Acte 2

Il Passo Giau, le roi des Dolomites

Cette fois nous sommes sur la bonne route. La bande de bitume déroule gentiment sous nos roues au fond d’un vallon profond quand soudain la pente s’incline brutalement. Nous ne sommes pas encore dans le col à proprement parler, dont le pied est situé « officiellement » à Salva di Cadore, mais ces premières rampes donnent déjà du fil à retordre et du petit braquet à enrouler. Tout à gauche, petit plateau et grand pignon, 34×28 pour les connaisseurs, afin d’être le plus souple possible. Bertrand s’arrache sur son 38×25.

Deux ou trois bornes plus loin, nous atteignons Salva di Cadore, petit village dont l’imposante église en dit long sur la piété italienne. La route descend sur quelques hectomètres et nous abordons cette fois le Passo Giau, le Roi des Dolomites.

Une des caractéristiques des cols italiens est qu’ils sont souvent plus raides que les cols français, les pourcentages s’affolent vite de ce côté-ci des Alpes et le Passo Giau ne déroge pas à la règle : 10 bornes à plus de 9 % de moyenne. Je remets rapidement tout à gauche et essaie tant bien que mal de trouver un rythme sur ces pentes abruptes. Nous évoluons maintenant en plein soleil et la chaleur commence à peser sur les organismes. Bertrand file en éclaireur. Je me retrouve seul face à la pente, les jambes lourdes écrasant des pédales tout aussi lourdes. Moi qui ne suis pas adepte des forts pourcentages, je suis servi. J’attends mon heure et progresse poussivement en admirant le magnifique paysage, typique des Dolomites. Ici, une tour d’albâtre se dresse devant moi et me surplombe de toute sa hauteur. Là, une muraille crénelée défend la vallée. Les prés verdoyants alentours tranchent avec la roche pâle des Dolomites. Dépaysement assuré.

 

Après avoir avancé dans le creux d’un vallon, la route s’échappe sur une large prairie alpestre. Le col se profile, quelques lacets plus haut. La pente, qui s’était légèrement adoucit, ne rend pas les armes et se raidit de nouveau, passant de nouveau la barre fatidique des 10 %. Un dernier effort et je parviens au col, où trônent un restaurant et un parking tous deux bien garnis en ce mois d’août. Les Dolomites sont envahies de randonneurs l’été venu et le col est un départ de randonnées réputé, d’où l’affluence. On peut comprendre les touristes, dont nous faisons partie d’ailleurs, la vue est somptueuse sur les massifs alentours, à 360°, avec notamment ce pic de Ra Gusela (2595 m) si caractéristique du Passo Giau.

La descente en direction de la fameuse station de ski de Cortina d’Ampezzo est encore une fois très belle. La route plonge dans une forêt épaisse alternant grandes courbes et boucles serrées. Nous sommes un peu gênés par la circulation, d’autant que certains automobilistes n’acceptent visiblement pas d’être doublés par des cyclistes et accélèrent fort après chaque virage, où nous fondons sur eux puisque bien plus agiles dans les lacets. Juste avant Pocol et Cortina, nous bifurquons sur la gauche, pour prendre la direction du Passo di Falzarego.

 

Acte 3

Passo di Falzarego, le petit prince

Nous en sommes à mi-parcours mais nous avons gravi un peu plus de la moitié du dénivelé, soit près de 1800 m en 55 km. Le plus dur est fait mais la fin du tracé n’est pas non plus un parcours de santé. Le Passo di Falzarego se propose à nous sans aucun temps mort.

Le troisième col du jour, le moins connu, n’est pas le plus dur. Pas de 15 % ici, ni même de 10 %, la pente est douce, l’asphalte rend bien, la tête est haute, le haut du corps légèrement gainé, les mains calées sur le cintre, les jambes tournent comme celles d’un automate, les pieds s’enroulent autour des pédales, les chaussettes sont légères. J’adore ces instants à vélo ; faire corps avec sa machine, ressentir une impression de vitesse sur des pentes honorables, se sentir léger, ne penser à rien à part son effort, et ce sentiment de pouvoir aller comme cela des kilomètres durant.

Certes le paysage n’est peut-être pas aussi grandiose que sur d’autres cols. Certes la difficulté modérée de ce Passo di Falzarego n’en fait pas « un grand col », mais je prends un énorme plaisir sur cette portion, un plaisir de fan de vélo, je savoure ces moments hors du temps, bercer par le très léger bruit de roulis du pédalier et des pneus qui effleurent le macadam.

Le col (depuis le croisement avec le Giau, compter sept bornes de plus depuis Cortina) se décompose en trois parties : une première roulante de deux kilomètres et demi, puis un faux-plat montant d’environ deux bornes avant un final un peu plus exigeant sur quatre-cinq kilomètres. La chaussée est belle, large. La dernière portion est la plus intéressante en terme de panorama et de ‘beauté’ de la route.

Quelques larges lacets permettent de sortir du couvert des arbres, puis un itinéraire en balcon vous amène au col, à 2117m, sorte de replat avec une vue dégagée sur les sommets qui nous enserrent, notamment le Sass de Stria, pic rocheux culminant à 2477m droit devant, et l’imposante masse du Mont Laguzoi (2835m) sur la droite. A la descente, les lacets offrent par intermittences de magnifiques vues sur ces deux montagnes se faisant face. On ne peut alors s’empêcher de lever le nez du guidon, prudemment, en descendant en direction de Cernadoi/Arraba.

 

La descente est encore somptueuse ! Que de lacets et courbes saillantes en Italie, un régal pour les deux roues. Cette belle langue de bitume tournoie, frôle les falaises, s’engouffre dans un boyau percé à même la roche. Dans le bourg de Cernadoi, notre parcours tourne sur la droite pour rejoindre Arraba et, plus loin, plus haut, le Passo Pordoi : ultime difficulté du jour.

 

Acte 4

Passo Pordoi, le col du « Campionissimo »

J’adore les cartes, créer des parcours, calculer les kilomètres point par point, imaginer les paysages alentours, les lacets escaladant la montagne, les vues au sommet des bosses. Les cartes ont été remplacées par des sites Internet et Google maps. Les outils diffèrent, pas le plaisir d’étudier les routes et profils. Là vous vous demandez, pourquoi il me raconte tout ça ? Eh bien car lorsque j’ai tracé ce parcours dans les Dolomites, j’imaginais qu’entre Cernadoi et Arabba nous allions remonter une route très passante en fond de vallée tout en faux-plats montants casse-pattes, pas la panacée en somme.

Il n’en est rien. La réalité est bien plus enthousiasmante. Notre chemin évolue en fait en balcon, avec des vues imprenables sur la vallée et le versant opposé, dressés de hauts pics rocheux. Le soleil commence à descendre, les lumières dorent légèrement. Seuls les légers pourcentages positifs sont en cohérence avec ce que j’avais imaginé, mais étrangement, avec ce décor splendide qui s’offre à nos yeux, les douces pentes passent très bien.

Nous progressons de petit village en hameau pittoresque et arrivons en fin d’après-midi à la petite station de ski d’Arraba, pied « officiel » du Passo Pordoi. Ce versant n’a rien d’effrayant. Avec ses 9,5 km de long et ses 6,8 % de pente moyenne, il pourrait être une partie de plaisir, un échauffement, un apéritif (l’heure approche)… mais après avoir avalé plus de 2500 m de dénivelé ramassés sur 85 bornes plus deux grosses journées autour de Bormio dans les pattes, l’addition commence à être salée.

La lumière est de plus en plus rasante et les montagnes se parent de teintes ocres et orangées. La route s’élève en larges courbes paisibles, slalomant entre les quelques pylônes de télésièges à l’arrêt, figés, attendant la neige pour s’ébrouer. Je me dis alors que skier dans les Dolomites doit être grandiose, et le paysage vêtu de blanc méconnaissable.

 

Dernier col du jour, du séjour sans doute, puisqu’ils annoncent de la pluie le lendemain et que nous devrons rentrer ensuite. Je jette donc mes dernières forces dans la bataille. Les pentes, plutôt roulantes en regardant le profil, semblent relativement coriaces avec la fatigue accumulée. Les cuisses toxinent et le mental joue alors beaucoup pour s’arracher jusqu’au sommet.

Les trois ou quatre derniers kilomètres sont au-dessus des 2000 m. Nous évoluons de nouveau au milieu d’une grande prairie, très dégagée, et le col est assez vite en vue, là haut, au niveau du replat. Sur la fin, la route se raidit. Ou ne serait-ce qu’une fausse impression ? Je profite du panorama et de cette dernière ascension dans les Alpes italiennes, mais j’ai de plus en plus de difficulté à faire avancer la machine. Les kilomètres défilent doucement et une petite borne le long de la route me rappelle à la dure réalité. Non, les pourcentages moyens ne sont pas plus élevés sur cette fin de col, ce sont mes jambes qui sont de plus en plus lourdes.

Enfin le dernier kilomètre. La délivrance. J’appuie un peu plus fort sur les pédales et atteins enfin le Passo Pordoi, frontière entre la Vénétie et le Trentin. Le col est aussi une mini station de ski, reliée à Arraba, avec quelques hôtels et restaurants. Le massif des Sella, imposante chaîne de montagnes rocheuses, domine les lieux. Au loin, à contre-jour, se profilent les sommets de Catinaccio. Il est plus de 18h et le soleil est rasant, il est temps de retourner dans nos pénates, après avoir salué le « Campionissimo », le champion des champions : Fausto Coppi, dont une stèle honore la mémoire.

 

Une dernière longue descente somptueuse, avec un super bitume et des vues magnifiques et nous voilà de retour à Canazei. La boucle est bouclée. Nous allons bien dormir ce soir, avec des images plein la tête. Les Dolomites sont mythiques et je n’ai pas été déçu du voyage. Cette sortie est l’une des plus belles que j’ai faite à vélo. Une seule déception : nous devons repartir demain et il reste un paquet de routes et cols à explorer. Ce n’est que partie remise. Arrivederci Dolomiti !

Epilogue

Bien sûr, cette boucle dans les Dolomites est faisable dans l’autre sens. Il faudra alors finir par le terrifiant Fedaia par son versant le plus difficile, un col pouvant transformer une fin de sortie en calvaire. Avant, vous devrez vous attaquer d’entrée de jeu au Pordoi depuis Canazei, relativement long mais régulier et pas trop pentu. Le Passo di Falzarego paraît également plus difficile de ce côté (10 km depuis Cernadoi). Beaucoup plus dure dans l’autre sens cette boucle donc ? Peut-être. Vous éviterez par contre le versant le plus délicat du Giau en l’abordant un peu après Pocol.

Une variante, plus courte et plus simple elle, permet d’en prendre plein les mirettes et de faire un bon petit dénivelé en peu de kilomètres. Après le Fedaia, vous pouvez bifurquez sur la gauche pour rejoindre directement la route entre Cernadoi et Arraba (qui propose quelques jolies rampes) avant d’affronter le Pordoi, avec en option un aller-retour au Passo di Falzarego. (➜ Trace GPS)




 

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