Montagne jonction entre la chaîne des Aravis et le massif des Bauges, la dent de Cons ne paie pas de mine et, pourtant, elle cache bien son jeu ! Certes, elle n’est techniquement pas difficile mais la randonnée se fait par des passages très aériens, exposés au vide et possiblement dangereux. Cela lui donne son charme tout autant que son piment et, à vous, peut-être quelques sueurs…
Sommet : Dent de Cons (2063 m)
Massif : Bauges (Savoie)
Départ : Le Raffort (1189 m)
Carte IGN : Albertville 3432 ET
➜ Topos Randonnées Bauges
Difficulté : ★★★★☆
Dénivelé : 900 m cumulé
Distance : boucle de 7 km
Durée : 2h à 3h montée
(boucle : 4h à 6h)
Intérêt : ♥♥♥♥
Rando Vertige
Chamois
Période : mai à novembre
⚠️ à faire uniquement par temps sec
Avant de partir, êtes-vous bien équipé ? ➜ retrouvez le contenu de sac à dos en randonnée ✔︎
Se rendre au Raffort
Que vous veniez d’Annecy, Chambéry, Moûtiers, Grenoble, Sallanches, Saint-Jean-de-Maurienne…
il faut prendre la direction d’Albertville. Ensuite ou avant (c’est selon), se rendre à Marthod, au Nord de la cité olympique. Au cœur du village, au niveau de l’église, prendre la route des hameaux (D103). Après avoir passé Le Villard, prendre la route à droite avec ses lacets dans la forêt qui conduisent jusqu’au parking Le Raffort. Se garer sur les côtés terreux. Pour séjourner ou dormir la veille sur place, vous pouvez regarder les hébergements à Albertville.
Montée par le Creux du Cayon
Au départ du parking du Raffort, un panneau présente l’environnement et les différents itinéraires de randonnée à la dent de Cons. Le nôtre commence par la gauche en suivant une piste forestière à plat. 5 minutes après, au niveau du Lancheron (1180 m), un sentier part à droite, longeant une prairie avec une vue en profondeur sur la vallée de la Tarentaise. On passe ensuite un petit ruisseau s’écoulant de la face Sud-Est de la dent de Cons. On s’engage alors dans le creux du Cayon.
Le sentier humide, voire boueux car quasiment tout le temps à l’ombre de la pointe de la Sellive, est digne d’une rampe lissée par les pas des randonneurs (des chaussures avec des semelles crantées seront appréciées). Les lacets serpentent en remontant le vallon au milieu des arbustes. À l’automne, la multitude de variétés d’arbres se relève à la faveur d’une palette chromatique absolument envoutante. Ocre, pourpre, vert, bordeaux, orangé, citronné, beige… Une nature morte impressionniste mais grandeur nature ! Un puissant opéra baroque de couleurs, comme autant de feux d’artifices irradiant la rétine. Mais, si l’œil est ainsi réchauffé, les jambes dressées sur le sol gelé d’octobre commencent à trembloter. Au printemps, cette combe nord gardera plus longtemps la neige et il faudra peut-être s’équiper de petits crampons de randonnée pour passer les plaques persistantes.
Moins d’une heure après le départ du Raffort, on atteint le col de la Sellive (1721 m), douce courbe reliant la pointe éponyme à la dent de Cons. Au soleil ici retrouvé, on peut profiter, tout en sachant que ce sera plus spectaculaire en haut, de la vue dans le dos sur la cluse d’Ugine, le mont Charvin, le mont Buet, Bisanne et le Mont Blanc. Versant Sud, cadré par les pentes de la pointe de Cruessajran (1961 m) et la pointe de la Sellive (1817 m) dont l’ascension semble peu conseillée, la vue fond abruptement dans le vallon du Chiriac. J’accuse alors une fascinante sensation, avec le regard attiré par la verticale profondeur en même temps que par l’horizontale perspective vers le Grand Arc, la vallée de la Tarentaise avec le massif de la Vanoise en fond, la Combe de Savoie, la Belle Étoile, jusqu’à la vallée de la Maurienne avec la chaîne de Belledonne et le massif des Écrins en arrière-plan. Un avant-goût à se mettre sous la dent en attendant d’être dessus.
Depuis le col de la Sellive, un sentier part à droite pour traverser les pentes herbeuses de la dent de Cons (attention à ne pas suivre le sentier qui reste à niveau). Vu leur inclinaison, il est vivement conseillé de ne pas s’y engager s’il reste des plaques de neige, même en amont. Savoir faire demi-tour, c’est se donner la possibilité de revenir. Si la déclivité peut impressionner les plus sujets au vertige, la marche n’est pas difficile (juste quelques marches sur pierres apparentes) et évidente (le parcours a été restauré à la bêche en 2021 et marqué de peinture rouge).
Vers 1870 mètres, le parcours va se raidir plus significativement et, vers 1945 m, on atteint la bifurcation du nouvel itinéraire de randonnée (le tracé a été modifié pour éviter un passage exposé). Ainsi, ne plus suivre le trait rose de l’ancienne carte IGN et poursuivre le sentier évident qui monte directement en direction de la crête. Deux pas équipés d’une main courante en câble seront la seule “difficulté technique”. Après, le terrain devient plus débonnaire jusqu’à atteindre la ligne sommitale à 1985 mètres, moins de deux heures après le départ du Raffort.
Les crêtes de la Dent de Cons
Montagne frontière entre les départements administrativement séparés par la France alors qu’ils n’étaient originellement qu’un (ça, c’est pour ceux qui se revendiquent savoyard et qui attisent la division de leur propre Maison plutôt que de chanter les Allobroges à l’unisson), on découvre alors une première vue sur la Haute-Savoie, avec les Bauges, Faverges, le Lac d’Annecy, La Tournette… Sur notre gauche, le sentier part sur les Frêtes vers la pointe de Cruessajran (1961 m) pour rejoindre le col de l’Alpettaz, itinéraire pour faire la traversée Belle Étoile / dent de Cons sur les crêtes.
les crêtes de la dent de Cons
Pour rejoindre la cime de la dent de Cons, il faut suivre le large chemin qui part au Nord-Est. Celui-ci oscille sur les reliefs et serpente entre les rhododendrons. En début de saison, le fuchsia de leurs fleurs doit assurément apporter une exaltation visuelle à la mesure de la vibrance de la couleur. La vue bilatérale et quelques myrtilles dans les bosquets consoleront quelque peu les randonneurs post-printaniers. En contrebas, on peut observer la barre rocheuse de la pointe de la Sellive ainsi que l’ancien itinéraire de randonnée, avec ses délicats passages sur rocher, aujourd’hui abandonné. Une dernière petite raideur et on rejoint le point culminant de la dent de Cons (2063 m), marqué d’une table d’orientation.
Le sommet permet dorénavant un vaste panorama à 360°. Au sud-ouest, la perspective de la ligne de crête conduit le regard jusqu’à la Belle Étoile (1841 m) avec, en arrière-plan, les hauts sommets orientaux du massif des Bauges : le mont Pécloz (2197 m), les pointes de la Sambuy (2198 m), de Chaurionde (2187 m) et d’Arcalod (2210 m), le mont Trélod (2181 m). Au loin, on peut même observer le mont Granier (1933 m), derrière la dent d’Arclusaz (2041 m). Sur la gauche, la chaîne de Belledonne, le glacier de Saint-Sorlin avec le Pic de l’Étendard (3464 m), les Aiguilles d’Arves et jusqu’au massif des Écrins avec le glacier de la Girose et la Meije (3984 m).
les aiguilles d’Arves et la Meije
le Pécloz, l’Arclusaz et le Granier
À l’ouest, rien de nouveau, mais en mieux, la cluse de Faverges, la montagne du Charbon et la pointe de Banc Plat (1907 m), le roc des Bœufs (1775 m) et le Semnoz (1702 m) tombant jusqu’à Annecy. Et, au nord, La Tournette puis les Bornes-Aravis avec Thônes, la montagne de Sous Dîne (2000 m), le mont Lachat (2019 m), le mont Sulens (1839 m), le pic de Jallouvre (2408 m), l’Étale (2483 m) et le mont Charvin (2409 m), dont on aperçoit dessinés les lacets finaux. Pour connaitre précisément le nom de chaque sommet alentour, je vous conseille l’application Peakfinder.
La Tournette
le Charvin
Côté Est, la vue plonge sur Ugine avant de se redresser sur le val d’Arly et la toile de fond montagneuse. De gauche à droite, le pic de Tenneverge (2989 m), la tête du Colonney (2692 m), le mont Buet (3096 m), les aiguilles Rouges et, tout en évidence, le massif du Mont-Blanc. À sa droite, le massif du Beaufortain avec le mont Bisanne, les rochers des Enclaves (2467 m), le roc du Vent (2360 m), la pointe de la Terrasse (2881 m), l’aiguille du Grand Fond (2920 m), la pointe de la Combe Neuve (2961 m), l’aiguille de Presset (2858 m), la roche Pourrie et le mont Mirantin (2460 m), la pointe de la Grand Journée (2460 m) et le Grand Mont d’Arêches (2633 m). En arrière-plan, le glacier du Ruitor et les hauts sommets du massif de la Vanoise : le mont Pourri (3779 m), la Grande Motte (3653 m), la Grande Casse (3855 m), les glaciers de la Vanoise, la pointe de l’Échelle (3418 m), le glacier de Gébroulaz et l’aiguille de Péclet (3562 m). À nos pieds, Albertville, l’entrée de la Tarentaise, le Grand Arc (2484 m) et la chaîne de la Lauzière derrière.
le Mont Blanc © L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷
le mont Pourri et les glaciers de la Vanoise
Ensuite, la descente. Le retour de randonnée à la dent de Cons en boucle par les crêtes traverse le Rocher Prani. Et c’est là que les choses vont se gâter. Avant de poursuivre, je tiens d’emblée à vous mettre en garde, des fois que mes explications et mes images ne soient pas suffisamment explicites, il s’agit d’un itinéraire très aérien, très impressionnant, périlleux, voire mortel (de nombreux accidents ont eu lieu sur cette montagne). Voilà, vous êtes au courant. Le parcours se fait sur une arête effilée, pas plus large qu’un mètre par moments. Si le sentier terreux n’a rien d’intrinsèquement compliqué, il faudra toutefois être très vigilant à chacun de ses pas pour ne pas rouler sur un petit caillou. On passe parfois très, très près du vide. Ici, l’erreur est interdite car impardonnable.
En effet, de part et d’autre de la crête, les pentes sont abruptes, notamment à droite où les barres rocheuses laissent plusieurs centaines de mètres à pic dans le creux du Cayon. Il est donc nécessaire d’avoir le pied sûr (faire des petits pas en utilisant ses bâtons de randonnée) et être suffisamment à l’aise avec le fait d’« avoir du gaz » en-dessous de vous. De plus, cet itinéraire n’est à emprunter (et à rendre ?) que par temps sec pour minimiser les risques de glissade. Néanmoins, pour ceux qui sont le moins à l’aise sur terrain alpin, il serait dommage de ne pas profiter de la vue : premièrement, ça détend et ensuite ça justifie le fait de s’être mis dans cette “galère”. Parce que, quand-même, si on fait tout ça, c’est bien qu’il est question de plaisir avant tout, non ? Sur le fil de l’arête, quelques courts passages un peu plus escarpés sont équipés d’un main courante câblée.
Par chance et bonheur, un chamois a surgi, émerveillant de sa superbe le cœur haleté par la pression. Le temps suspendu d’une croisée fugace des regards, une rencontre où l’œil s’adoucit après s’être crispé. Puis s’en va. La pudique beauté des choses vient souvent de leur éphémérité, appréciant alors la préciosité de l’instant qui nous est offert à ressentir et donc vivre. C’est peut-être ça, aussi, d’être humain, savoir en prendre conscience pour savourer avec intensité. Nous ne pouvons tout posséder et c’est très bien ainsi.
© L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷
Retour par l’Alpettaz
Une dernière épaule sur laquelle le relief s’élargit un peu, ultime promontoire face au splendide tableau Bornes-Aravis / Mont Blanc, fin de journée. Puis, la montagne s’étale et se boise d’une forêt d’arbustes. Vous pouvez souffler, le plus dur est maintenant passé. Sur ce versant nord, la terre semble ne jamais être visitée par le soleil. Combinaison du sol perpétuellement humide et des pas modelants des randonneurs, le sentier est sillonné comme un toboggan. Vers 1850 mètres, la diversion de l’observation, à nouveau, des deux chamois (étaient-ce les mêmes ?) a conduit sur un chemin qui part sur la gauche, dans une petite combe ravinée, La Tournette en vis-à-vis, avant de repartir, 200 mètres plus bas, dans la forêt à droite. Après coup, en écrivant ce topo, je me suis aperçu que le tracé rose officiel sur le carte IGN poursuit tout droit, le long de la crête. En fin de compte, cela ne change pas grand chose puisque les deux itinéraires se rejoignent peu après. Vers 1550 et 1500 mètres, deux bifurcations où il faut prendre à droite à chaque fois.
Après un long zigzag, on sort de la forêt pour déboucher sur la prairie d’alpage de l’Alpettaz (1400 m), pléonasme s’il en est car, en patois, « alpette » signifie… prairie d’alpage. Mais ce plateau est surtout un balcon privilégié pour admirer le Mont Blanc, notamment à l’heure du coucher du soleil (juste à peine trop tard cette fois-ci). Au sud-est, une perspective se profile également dans la vallée de la Tarentaise jusqu’a l’aiguille du Fruit (3048 m), le glacier de Gébroulaz et l’aiguille de Péclet (3562 m) ainsi que la pointe du Bouchet (3416 m).
l’Alpettaz
le glacier de Gébroulaz et l’aiguille de Péclet
Sur la gauche, pour ceux qui souhaitent faire un appendice, un chemin permet de rejoindre, 400 mètres plus loin, le fort de la Batterie (1444 m). Mais, pour revenir au parking du Raffort, c’est la piste carrossable à droite qu’il faut descendre. À mi-distance, un sentier parallèle “plus naturel” permet d’éviter l’ambiance route taillée jusqu’à, 2 heures après le sommet de la dent de Cons, arriver au point de départ.
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