Le pico Ruivo est le plus haut sommet de l’archipel de Madère. En partant du pico do Arieiro, la randonnée jusqu’à ses 1862 mètres sommitaux est un splendide parcours arpentant les crêtes escarpées, jalonnées de belvédères aux paysages à couper le souffle de beauté. Si le sentier n’est pas techniquement compliqué, il faudra toutefois être en forme et bien équipé pour avaler le dénivelé et les innombrables marches sous un soleil piquant. Je vous présente l’itinéraire et vous donne quelques conseils expérimentés pour réussir l’ascension sans la subir.

Le Pico do Arieiro

Situé à 1818 mètres d’altitude, le pico do Areeiro (comme, en réalité, cela s’écrit correctement dans sa langue originelle) est le 3^e plus haut sommet de l’île de Madère. C’est pour cette raison (et pour le fait qu’il est large et facilement accessible) qu’un grand observatoire météorologique, Encumeada Alta, a été aménagé sur le lieu. La couleur rouge du sol et le paysage alentour infini finissent de convoquer l’impression d’être sur Mars ! Je n’avais pourtant pas abusé de la poncha hier soir… Autour de cette base, on retrouve de nombreuses commodités avec un centre d’information, une boutique-souvenirs, un snack-bar et des toilettes, payantes en liquide (non, aucun jeu de mots).

la station radar du pico do Arieiro © L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

Derrière la structure commerciale, une série d’escaliers conduit au miradouro do pico do Areeiro. Depuis ce belvédère (cf : webcam), la vue est déjà spectaculaire avec un panorama saisissant sur les montagnes de Madère, toutes ses saillies s’élevant au-dessus de l’océan, dont, l’objectif, le pico Ruivo, juste en face. Puis, le cœur soulevé et l’esprit ébahi font plonger les yeux curieux dans les vallées en contrebas. Au loin à l’ouest, le haut plateau désertique de Bica da Cana et la forêt de Fanal. Certains se rendent au pico do Arieiro uniquement pour admirer le lever du soleil ou son coucher (souvent au-dessus d’une mer de nuages). On peut également s’amuser à repérer le tracé de l’itinéraire de randonnée au pico Ruivo pour essayer de comprendre par où on va passer.

la cordillère centrale de Madère et le pico Ruivo culminant

Un itinéraire sur les crêtes

Le départ du pico do Areeiro commence au pied de l’observatoire, sur un chemin de dalles rectilignement placées sur un sol digne de la planète Mars. Depuis ce promontoire, le paysage est d’emblée fantastique avec ces géants de roche escarpés, jaillissant tels des geysers. On poursuit sur un sentier ondulant pour atteindre le miradouro do Ninho da Manta (« nid de la buse » car le rapace y niche). Premier point de vue remarquable depuis le pico do Areeiro, on peut observer depuis le belvédère une partie de la cordillère centrale de Madère avant de plonger dans les méandres de la vallée. Ces reliefs sont le lieu unique de nidification de la très menacée espèce endémique du pétrel de Madère.

panorama depuis le belvédère du Ninho da Manta © L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

Le sentier va ensuite devenir plus aérien, suivant une ligne de crête de plus en plus effilée. Néanmoins, aucun danger à noter. Le chemin en pierres est très sûr et il est bordé de câbles garde-corps. En plus du paysage à couper le souffle, le parcours est absolument saisissant et force l’humilité en même temps que la contemplation (si vous êtes sensible au vertige, contentez-vous de regarder droit devant). Au niveau du gros rocher nommé pedra Rija, un panneau très intéressant renseigne sur la flore et la faune présentes dans le massif (ce qui s’avèrera bien utile au retour…) tandis que la vue à l’ouest plonge dans la vallée de la ribeira do Cidrão.

l’impressionnante pedra Rija © L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

Le PR 1 Vereda do Areeiro contourne ensuite le pico Cidrão (1801 m) et traverse une falaise avec le vide à main droite. Sensationnel ! Tout à l’est, on peut apercevoir la ponta de São Lourenço. Puis, l’itinéraire descend des marches (qu’il faudra remonter au retour, gardez donc bien des forces !) au-dessus d’une combe très verticale. Face à nous, les soubresauts de la Terre, un enchevêtrement de plans de pans de montagnes, plus dentelées les unes que les autres, dont un énorme œille gris-blanc se démarquant de la palette de rouge et de vert.

© L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

Sous le Pico das Torres

Le sentier louvoie de part et d’autre d’un fin mur naturel par une petite porte taillée. On rejoint alors un premier tunnel, passant sous le « pic du Chat », vernaculairement appelé túnel do pico do Gato. Puis, les à-côtés ombragés sont plus verdoyants. Peu après, se présente la possibilité de prendre à droite la variante de l’itinéraire de randonnée au pico Ruivo, par l’est. Enfin, ancienne car, à moins qu’elle ait été réouverte lors de votre randonnée (merci alors de nous le signaler dans les commentaires à la fin de l’article), elle semble définitivement fermée et ne plus du tout être entretenue (des planches “condamnent” l’accès, ici ainsi qu’à la jonction ultérieure). Celle-ci offrait apparemment des points de vue encore plus beaux mais aussi ajoutait 1,4 km aller.

Juste après (lors du retour pour être précis et honnête), j’ai eu la chance de me retrouver nez à bec avec une perdrix rouge. Pas trop farouche, j’ai pu l’observer durant plusieurs minutes en train de se balader au sol sous mes yeux pour picorer les plantes. Ensuite, à la sortie d’un virage, c’est l’impressionnante grande aiguille blanche qui se dressait face à moi. En réalité grise, cette roche forme de très nombreuses veines circulant parmi la masse ocre rouge. Au loin, au sein de cet ensemble montagneux, les randonneurs apparaissent comme une ligne de fourmis arpentant le relief qui apparait titanesque. Globalement à plat, le sentier a été creusé en contrebas des imposantes parois rocheuses du pico das Torres. Bénéficiant de la fraicheur matinale, on peut pleinement profiter du somptueux paysage. Dans le dos, le massif pico Cidrão dont les ombres rasantes mettent en exergue le baroque de sa sculpture (c’est le moment car ce versant nord sera complètement à contre-jour au retour).

le pico Cidrão © L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

Il est même nécessaire de traverser quelques arches et tunnels, dont le dernier, long d’une centaine de mètres. Si, pour les précédents, cela n’était pas tout à utile, une lampe frontale ou de poche sera ici opportune pour s’éclairer durant la traversée de tunnel ainsi que les prochains à venir (gardez votre batterie de téléphone pour alerter les secours en cas de besoin) ainsi qu’une petite veste type polaire ou softshell pour ce frais passage à courant d’air.

Au sortir du tunnel, le pico Ruivo se tient fièrement au-dessus d’un délicieux paysage déchiqueté, me rappelant ceux de l’île de La Réunion, où la masse rocheuse semble s’être violemment arrachée des méandres de la Terre. On ressent, là encore, le tumulte de la géologie madérienne et la puissance de l’énergie tellurique qui a fait jaillir cette île hors de l’eau. En observant en détails, on peut voir les veines sédimentaires qui sont levées et qui apparaissent dorénavant comme autant de dents et d’aiguilles acérées. Cette âpreté confère au lieu un caractère hostile mais tout autant fascinant.

le sommet du pico Ruivo © L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

On poursuit le chemin en oscillant sur le relief avec une vue plongeant dans les méandres escarpées de la combe dessous. Après un ultime tunnel, l’itinéraire devient plus raide et il faudra arpenter quelques séries d’escaliers. Les premiers sont taillés à même la roche puis les passages les plus raides sur la fin se gravissent via des structures métalliques en dur. Au fil des pas et des cuisses légèrement chauffantes, la vue domine de plus en plus la vallée de Curral das Freiras.

À la débouchée de ce dénivelé, on atteint un collet (« passo ») offrant à nouveau une vue sur l’est de Madère. Tout au fond, si les nuages le permettent, on pourra retrouver les ondulations de la pointe de São Lourenço. Le parcours part ensuite à gauche en un sentier-balcon avec une vue plongeante sur le talweg particulièrement sillonné menant jusqu’au village de Faial.

Le chemin traverse un cimetière d’arbustes morts, vraisemblablement brulés lors d’un incendie de forêt. Ce flan de montagne est très exposé au soleil lors de la première moitié de la journée et, la température grimpant synchroniquement avec nous, la chaleur commence à se faire prégnante. Pour éviter l’insolation ou même le simple coup de chaud qui vous boude la randonnée (je parle en connaissance de cause…), pensez impérativement à avoir une casquette ou, mieux, un chapeau vous couvrant efficacement à 360° et de l’eau en quantité suffisante (voir conseils à la fin de l’article).

Après quelques pauses sur les quelques passages ombragés, nous rejoignons le point de jonction avec le sentier de randonnée du pico Ruivo depuis Achada do Teixeira (PR 1.2), l’itinéraire le plus facile et le plus court (2,8 km) ainsi que celui depuis Ilha (PR 1.1, 8,2 km), au nord-est de l’île de Madère, sur les hauteurs de Santana. Juste-au dessus, le refuge du pico Ruivo, lequel dispose de toilettes (payantes) et d’un service de petite restauration de dépannage avec des snacks et boissons ainsi que, surtout, des robinets d’eau pour se ravitailler avant d’atteindre le sommet (que l’on voit depuis ici) et/ou faire une pause fraicheur à l’ombre des arbres.

Le sommet du pico Ruivo

Mais il reste encore un tout petit peu de chemin pour atteindre la cime de l’île de Madère. Depuis la casa de abrigo do pico Ruivo, on suit le sentier terreux qui sillonne la garrigue madérienne et rejoint, cette fois-ci, le chemin du PR1.3 Vereda da Encumeada. Quelques derniers lacets, une antécime et, après 3h30 de randonnée depuis le pico do Arieiro (à un rythme tranquille et avec les pauses fraicheur et photographiques), j’arrive au sommet du pico Ruivo et ses 1862 mètres d’altitude. Loin d’être une fine aiguille ou une arête escarpée, sa large forme en rondeur a été aménagée d’une plateforme tout à fait confortable pour la contemplation, ornée d’une borne en pierres assemblées surmontée d’une modeste croix.

La vue du sommet du pico Ruivo est absolument… grandiose !!! La cime de Madère expose un panorama à 360° sur toute l’île ! Enfin… toute, si l’on a l’exceptionnelle chance de ne pas avoir de nuages. Ce ne fut pas le cas pour moi, avec, comme cela l’avait été au sommet du piton des Neiges, une mer blanche recouvrant l’océan bleu, classiquement sur la moitié nord-ouest de l’île, laquelle reçoit l’humidité du large. Dommage, si l’on peut apercevoir l’archipel des ilhas Desertas, je n’ai pas pu voir l’île de Porto Santo que je visiterai deux jours plus tard.

Côté est, la pointe Saint-Laurent, formant une barrière aux entrées maritimes, avec une partie de la ville de MachicoAu sud, en tête-à-tête, le splendide pico das Torres, deuxième plus haut sommet de Madère avec 1851 mètres d’altitude, et, à travers ses dents, le pico do Arieiro avec l’observatoire. En contrebas, on peut apercevoir l’itinéraire de randonnée au pico Ruivo, creusé dans la paroi, et même les trous des tunnels. C’est assez stupéfiant de se dire que l’Homme est passé par là (et en a même eu l’idée !). À droite, la vallée coulant le charmant petit village de Curral das Freiras (mais dont, caché derrière le pico da Geada, on ne peut voir que des hameaux supérieurs). Pour connaitre précisément le nom de chaque sommet alentour, je vous conseille l’application Peakfinder.

À l’ouest de l’île, en arrière-plan du pico Grande (1654 m), le haut plateau désertique de Bica da Cana (1615 m) et son champ d’éoliennes, jusqu’à la plaine de la pittoresque forêt de Fanal et la pointe de Porto Moniz (mais ses merveilleuses piscines naturelles étaient recouvertes par les nuages). Au nord, la côte avec les villages de São Vicente, Boaventura et, au fond de le vallon ci-dessous, São Jorge. Pour le retour, l’itinéraire est le même (d’autant que l’itinéraire bis fermé ne permet pas de variante), lequel ne sera pas moins long et, probablement cette fois-ci, sous le soleil postméridien chauffant les versants ouest. Si vous ne vous sentez pas de le faire, une des solutions est d’aller à Achada do Teixeira pour se faire ramener en taxi.

à Mélanie

Infos pratiques

Quel matériel pour faire la randonnée du Pico Ruivo ?

Au niveau de l’équipement nécessaire, une paire de baskets basses, type trail peut convenir mais, avis tout à fait personnel, je préfère souvent et recommande les chaussures montantes (ce que j’ai pris). Ensuite, un sac à dos de randonnée à la journée (15 à 25 L, voir nos tests) sera suffisant et, en plus du traditionnel contenu de sac et du casse-croute, prévoir absolument une casquette ou, mieux, un chapeau et… beaucoup d’eau (2 à 3 litres) ! Pensez également à amener une petite veste pour les passages à l’ombre, les éventuelles fréquentes intempéries (pluie, nuages humides) ainsi que pour le matin si vous partez aux aurores pour le lever du soleil. Et, enfin, n’oubliez pas la lampe frontale ou de poche pour la traversée du tunnel (gardez votre batterie de téléphone pour alerter les secours en cas de besoin). Par ailleurs, pour vous aider à y voir plus clair, vous pouvez vous munir de l’incontournable guide Rother avec l’intégralité des randonnées à faire sur l’île de Madère.

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